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Carte blanche à Claude Marquié (historien)

29 Juin 2022

Depuis 1978, la mairie de notre ville est située au 32 rue Aimé- Ramond, un hôtel construit, tout comme quelques autres immeubles carcassonnais, au milieu du XVIIIe siècle. Cependant, celui qui nous intéresse aujourd’hui, dont la réalisation s’étala de 1746 à 1761, présente des caractères spécifiques, qui méritent de retenir l’attention.

Mascaron à figure humaine qui orne l’entrée de l’Hôtel de Ville
Mascaron à figure humaine qui orne l’entrée de l’Hôtel de Ville

Une première curiosité tient au nom sous lequel il est connu, car, si la famille Rolland a constitué au siècle des Lumières un important groupe de marchands-fabricants du textile, sa réalisation est due à un autre drapier, Jean-François Cavailhès (1720-1784). Cette construction coûta à ce dernier la somme de 172 000 livres car elle entraîna la restructuration de tout un pâté de maisons, et c’est seulement en 1815 que l’immeuble fut acheté par Rolland du Roquan, dont la descendance le conserva jusqu’en 1924, assez longtemps pour que le nom de cette famille reste attaché à ces nouveaux propriétaires.

Cour intérieure de l’Hôtel de Ville
Cour intérieure de l’Hôtel de Ville

Un second étonnement saisit quiconque observe le bâtiment depuis la rue. Alors que les hôtels carcassonnais de cette époque présentent une façade pleine de modestie, que l’on songe à la Préfecture ou à la Chambre de commerce, on se trouve ici en présence d’un ensemble monumental, construit en « pierre de Pezens » et d’une grande symétrie, tant par ses dimensions que par son ornementation. De part et d’autre d’une porte cochère monumentale ornée d’un mascaron à figure humaine, se présentent neuf travées et une élévation sur trois niveaux, dont les deux premiers s’ouvrent par de larges baies. Le tout a été remarquablement décoré par le sculpteur italien Jean Barata, qui termina le Roi des eaux de la place Carnot commencé par son père, mais aussi par les plus grands artistes locaux de l’époque, D. Nelli, L. Parant, Sacombe et Bertrand. Se succèdent ainsi mascarons à la clef, cartouches chantournées, garde-corps de fer forgé et ferronneries. Cette étonnante réalisation peut s’expliquer par le mariage que fit J-F Cavailhès avec une riche héritière, Catherine Pas de Beaulieu, qui a pu importer des conceptions artistiques différentes de celles des Carcassonnais.

Escalier d’honneur de l’Hôtel de Ville au 18ème siècle et aujourd’hui en 2021
Escalier d’honneur de l’Hôtel de Ville au 18ème siècle et aujourd’hui en 2021

Une troisième surprise attend l’observateur attentif à propos du plan de l’édifice, dû à l’architecte Rollin, aidé par un sieur Lechevalier, en rupture avec les traditions locales mais qui se rapproche de l’architecture parisienne contemporaine. En effet, trois ailes monumentales sont disposées autour d’une cour ouverte sur la ruelle Rolland, tandis qu’une galerie parallèle à la rue donne accès à deux grandes salles ainsi qu’aux divers niveaux grâce à deux grands escaliers.

Plus classique, par contre, est la répartition entre les étages : à l’ouest l’escalier d’honneur, doté d’une belle rampe, conduit aux grandes pièces du premier étage, destinées aux réceptions qui firent la célébrité de la famille Rolland. Si les tapisseries d’Aubusson ont disparu, sont toujours présents les hauts plafonds décorés de beaux moulages de plâtre et les superbes cheminées réalisés par les artistes précédemment nommés à propos de la façade, tout comme le fut le grand balcon donnant sur la cour. A l’est, un escalier moins noble desservait les chambres de la famille, puis les logements des domestiques, auxquels était réservé le dernier étage, beaucoup plus bas de plafond et aux ouvertures carrées nettement plus petites que les baies des autres appartements.

On peut noter en conclusion que les divers propriétaires qui se sont succédé depuis l’origine ont, pour l’essentiel, entretenu correctement ce bel immeuble, ce qui malheureusement n’a pas été toujours le cas dans notre ville.

Sources : G. Jourdanne, L’Hôtel de Rolland, 1896. C. Bernardini, Carcassonne, architecture civile, aménagement au XVIIIe s., Mémoire de maîtrise d’histoire de l’Art, Toulouse, Le Mirail, 1990.

Chiffres clés

  • 1815 : Achat de l’immeuble par la famille Rolland du Roquan
  • 1978 : Rachat par la municipalité sous le maire Antoine Gayraud (1968 à 1981)